Chanson conseillée après la lecture : Lisa de Éléphant (première version)
Et pour aller plus loin : l’épisode de mon Interview de Lisa en 2022
Chère Lisa,
Dans ton nouveau spectacle « Ultrasensible », tu dis que tu as envie de poser des questions intimes ou profondes aux personnes que tu rencontres car tu n’aimes pas les small talks.
Je suis de celles-là. Peut-être est-ce pour cela que j’aime autant les interviews : un espace au temps suspendu où on peut poser toutes les questions que l’on veut à un ou une inconnu.e dont on aime le travail.
En dehors de cet exercice, cela donne des situations cocasses. Combien de fois grâce à mon empathie, mes questionnements ou ma capacité d’écoute, on m’a pris pour une psy ou on veut tout de suite être ami.e avec moi. N’est ce finalement pas une sorte de super pouvoir déguisé ? Pourtant, comme toi, et tu le sais, j’ai bien galéré en amour.
Toujours est-il qu’il m’a fallu 35 ans pour me reconnecter à mes émotions et voilà que maintenant mes proches ou les personnes que je rencontre peuvent être décontenancés par mes montées d’émotions - dans tout le spectre - aussi vives que soudaines. Les larmes de joie, de tristesse... qui arrivent et disparaissent aussitôt, juste le temps d’être traversée.
Au fond, quand j’y pense, cela a toujours déstabilisé mon entourage. J’étais trop. Trop d’émerveillement, trop de « naïveté » liée à ce dernier, le « Tu penses trop » aussi... TROP, TROP, TROP. Alors je me suis sur-adaptée, perdant contact avec mon vrai moi, pendant des années...
Avant ton spectacle, je devais animer un cours face caméra, avec la pression des tournages. Peu de temps. Efficacité. Sauf que je n’avais jamais fait ça. À un moment, le cadreur s’est arrêté et a dit « comment ça va ? ».
Il m’a fallu un petit temps pour répondre. C’est vrai ça, comment je vais ? Est-ce que je ravale mon émotion ? Alors, j’ai relâché et quelques larmes ont envahi mes yeux. J’ai senti la panique chez l’autre interlocuteur présent dans la pièce. On s’est posé, on a parlé avec beaucoup de bienveillance et je me suis sentie en gratitude d’être dans un environnement où je suis considérée et reconnue à ma juste valeur.
J’ai toujours admiré et soutenu les artistes. J’étais une fan girl professionnelle. Cela me permettait de « tenir, tenir, tenir, debout et demain » comme chantait Berry, avec mon vide intérieur de l’époque et des environnements qui ne me comprenaient pas toujours.
On se connait depuis combien de temps Lisa ? Depuis Myspace ? Depuis cette première chanson avant que vous deveniez Éléphant ? Deux albums, trois spectacles et 2 enfants plus tard pour toi ; 1000 vies pro, perso et une maison pas loin de Bergerac (sans quitter réellement Paris) de mon côté… nous voilà aujourd’hui à la Comédie des 3 Bornes. J’avais pris mon billet avant de savoir que cette mission allait me tomber dessus m’assurant un logement à Paris quelques jours et voir ton amie Bérengère le lendemain. Combo.
Dans la salle, une ancienne amie est là aussi. Mon corps se crispe à son apparition. On s’est connu toutes les deux à l’époque fangirl avec cette même envie d’en être. On a toutes les deux fini par travailler dans l’industrie musicale. J’ignore si on était proche mais suffisamment pour s’inviter respectivement à nos anniversaires. Cette rupture amicale a été soudaine. Je suis du style fidèle au travers des années, quelque soit la distance en espace-temps. Alors, c’est toujours difficile pour moi. Not the 1st, not the last.
C’est donc avec mon passé sur les épaules que je t’ai vu arriver sur scène. Je me suis soudainement rendue compte de ce courage que tu as d’être encore là, devant nous, à poil métaphoriquement parlant. Combien d’heures de travail a-t-il fallu pour écrire, apprendre ce texte pour que tout ait l’air naturel, avec cette jolie mise en scène, ces extraits de chansons (dont certains ont résonné en moi comme des synchronicités) et les chouettes extraits de livres dont tu as le secret.
J’adore la façon dont tu te montres vulnérable, avec poésie, autodérision et sensibilité.
À chaque mot, c’est comme si je te rencontre pour la première fois. C’est beau la vulnérabilité. C’est un pont vers l’autre. Je l’ai compris cette année. J’arrive plus à faire semblant Lisa. Mes réactions sont ce qu’elles sont. Je fais du mieux que je peux. Je suis humaine. Si c’est inconfortable pour les autres que je sois moi-même, que je vive la vie que j’ai envie de vivre : tant pis. Si je suis coupable de « trop » aimer : tant pis aussi.
Alors oui, Lisa, quand tu as parlé de l’image du navire qui tangue, que tu pilotes à l’intuition (?!), je me suis reconnue et ça m’a beaucoup parlé.
La dernière fois que j’étais venue te voir en spectacle, tu m’avais dit que tu aurais aimé me saluer. Alors, cette fois, je reste t’attendre à la fin. Et j’ai cru que j’allais pleurer. Fleur de peau de ma journée. Sans doute aussi que ton spectacle m’a touché plus qu’il n’y parait et surtout, je suis émue. Émue, du chemin qu’on a parcouru respectivement.
Mon rapport à Paris a changé. Mon rapport aux artistes a changé. Pourtant tout est pareil, en étant différent. Je suis toujours fan mais je n’existe plus à travers vous. J’ai pris ma place. Je suis tout de même toujours là. Ultrasensible. Traversée par l'élan de vie.
Devant la Comédie des 3 Bornes, je suis un peu brassée de tous ces souvenirs. Finalement j’ai compris : je n’ai plus le choix : j’ai cette envie viscérale, comme toi, de continuer mes projets, me prioriser enfin, car me prioriser c’est aussi aider les autres. S’aligner toujours et encore.
L’ultrasensibilité est un cadeau. N’en déplaise.
Gratitude. Prends soin de toi. Et longue vie à Ultrasensible qui revient sur scène en février. Au plaisir de te recroiser sur les routes de nos vies.
Je t’embrasse.
Amandine