Ici, il fait jour très tôt. Le soleil se lève à 5h30 en ce moment, alors j’ai le choix de me lever très tôt ou tôt (7h) pour faire un saut à la plage avant de commencer ma journée, qu’elle soit consacrée à une balade, visite ou travail.
Quand j’ai voulu nager seule la première fois, je me suis entaillée près du genou avec un gros corail, alors j’ai demandé à une amie de me prêter un masque pour plus de sûreté.
Avoir un masque a plusieurs avantages : pouvoir nager en faisant attention aux coraux et voir les poissons.
Je dois avouer que la première fois que j’ai mis la tête dans l’eau ici, j’ai trouvé ça magique : l’océan grouille de vie… les poissons sont multicolores, zébrés, de toutes formes différentes, les bébés nichent souvent près des coraux… C’est magnifique.
L’une des fois qui m’a le plus marquée est sur la plage de l’Hermitage qui était alors noir de monde avec les marchands ambulants vendant glaces et jus de fruits, presque comme quand j’étais petite en Méditerranée. C’était très animé car c’était les vacances scolaires, entre les piques niques, les enfants... Pourtant, quand je nageais tout était dans le silence, j’étais surprise de voir cet autre monde en plongeant la tête dans l’eau ; et qu’en relevant la tête le spectacle était complètement différent et très bruyant. Une question m’a alors traversé l’esprit, comment est ce possible : si on ne prend pas la peine de regarder mieux ce qui nous entoure de ne rien voir ? J’étais effarée de me dire qu’on peut être dans l'océan sans avoir aucune conscience de toute cette vie qui y règne…
J’ai la chance d’être à Saint Pierre où il y a beaucoup de plages qui sont autorisées à la baignade, sinon gare aux requins ! J’ai alors commencé à explorer. Un matin, j’avais les fesses au bord de l’eau à Terre Sainte et une petite murène étoilée m’a foncée dessus ! Ça m’a fait super bizarre ! Je me suis mise debout d’un coup, en me demandant si c’était Ursula qui me l’avait envoyé… (qui a la référence Petite Sirène ?). J’en ai revu une plus tard dans les fonds marins, c’était beaucoup plus chouette de la voir déambuler comme un serpent… mais de loin !
Je commence à être habituée à la faune locale maintenant. Presque blasée : oui oui les petits zèbres, les Picasso qui me font peur quand ils me regardent… et un matin, j’ai buggué : c’est quoi ce poisson vert et rose… plein de vie, de tâches multicolores… J’ai été hypnotisée. Comment est-ce possible autant de beauté ? J’ai commencé à le suivre pour bien l’observer.
Quand je suis rentrée, j’ai de suite voulu chercher quelle espèce c’était pour être sure de ne pas avoir rêvée ! Un girelle de Noël. Comme un cadeau donc. J’y suis retournée le lendemain pour valider son espèce et rafraîchir mon souvenir. À ma grande surprise je l’ai retrouvé très facilement… quand j’ai remis la tête dans l’eau à un moment, il était à mes pieds, comme s’il m’attendait pour la balade.
Je n’arrive pas à expliquer si c’est mon amour pour lui, pour sa beauté, sa majestueuse façon de se mouvoir, mais j’ai l’impression qu’on a une connexion particulière. J’aime à explorer cette routine, plutôt qu’explorer tous les autres fonds marins à la recherche de plus… J’aime à avoir mes repères avec les coraux, trouver où il se situe, le retrouver. Nager à son rythme intrépide avec ses nageoires bleues et jaunes comme Polochon, battant des nageoires, des ailes comme un oiseau. Le regarder est magique. En nageant au dessus de lui, faisant attention aux coraux, j’oublie tout, je le suis en confiance. J’ai l’impression d’être une sirène, en appartenance. C’est très méditatif. Je suis en extase de ce moment magique, de cette beauté en vraie communion à l’instant présent et à ce qui est. Il suffit de la buée dans le masque, du courant, pour que tout soit différent. Mais chaque fois que je le vois… je suis émerveillée, pleine de gratitude consciente de la magie qui est à l’œuvre. Et j’y retourne inlassablement dès que je peux.
Je trouve beaucoup de plaisir à me lever, me préparer, mettre la crème solaire, marcher dans l’eau, me mouiller le cou, avoir cette sensation de froideur - ouh - quand je plonge mon corps entier dans l’eau, mettre le masque et ça y est l’exploration avec l’espoir des retrouvailles peut commencer… Parfois, je découvre de nouveaux poissons noir violets, bleus, jaunes, que je n’avais encore jamais vu mais j’ai choisi. Ma préférence va toujours à Polochon. La dernière fois il m’a emmené vers un autre de ses congénères, comme pour me dire : regarde je ne suis pas seul dans l’océan au milieu des autres.
Même si j’adore la nouveauté, découvrir. Moi qui ait eu tant horreur des routines répétitives pour aller au boulot de salariée le matin ayant l’impression parfois que ce cycle n’allait jamais se finir, même si j’aimais mon travail… je trouve finalement dans cette routine choisie beaucoup de liberté, d’apprentissage et de magie.
Choisir, tous les jours, encore, avec gratitude.